Beaumonts nature en ville


Compte-rendu de la nuit d’observation des Hétérocères du 12 au 13 août 2023. by beaumonts

Après plusieurs reports pour cause de pluie, d’orages probables et de vent, la fenêtre du 12 août s’est avérée fructueuse.

La température supérieure à 23°C en début de soirée a baissé jusqu’à 18°C vers 2h le 13. Pas de vent et ciel nuageux réfléchissant une partie des lumières de la région parisienne. La rosée a été assez forte car, à la fin de la séance, les objets et les draps étaient mouillés.

Nous avons déjà explicité l’intérêt des observations nocturnes des Hétérocères. Le lecteur pourra retrouver ces informations sur les précédents articles parus sur le site de Beaumonts-Nature en Ville (BNeV).

Les observations et photographies ont été réalisées sur un drap blanc éclairé par une lampe LepiLED (lampe à diodes électroluminescentes), sauf mention contraire.

Divers insectes appartenant à d’autres ordres que celui des Lépidoptères ont également été attirés par ces radiations lumineuses, essentiellement ceux d’Hétéroptères (punaises) et Coléoptères.

Cette séance fut à la fois assez riche en nombre d’imagos (adultes volants), soit une quarantaine, ainsi qu’en nombre d’espèces, plus de 25.

Nous ne décrirons et illustrerons principalement que les espèces qui n’avaient pas encore été répertoriées au parc jusqu’à présent

LÉPIDOPTÈRES

A Géomètres:

En dehors de l’Alternée, représenté par un seul adulte, les espèces de géomètres qui se sont posées étaient toutes différentes de celles attirées en juillet dernier

-L’Acidalie dégénérée Idaea degeneraria (Hübner, 1799) fut la plus nombreuse. Plus d’une vingtaine d’imagos se sont posés sur le drap et le trépied portant la LépiLED.

Idaea degeneraria, l’Acidalie dégénérée, Beaumonts, 12 août 2023, cliché André Lantz

-La Stéganie trimaculée ou la Stéganie du peuplier Stegania trimaculata (de Villers, 1789) avait été observée de jour une seule fois en 2013 mais il s’agissait de la forme albicaria Bruand, 1846. En 2023 il s’agit de la forme cognataria Lederer, 1853 où les ailes sont ocres. Comme les antennes ne sont pas pectinées il s’agit d’une femelle. La chenille s’alimente sur les peupliers. L’adulte vole de mars à octobre en deux générations. Si dans la grande majorité des espèces, les dessins et colorations alaires varient peu, chez quelques imagos les différences peuvent être grandes. C’est le cas pour cette géomètre.

Stegania trimaculata, la Stéganie du peuplier, Beaumonts, 12 août 2023, cliché André Lantz
Stegania trimaculata, la Stéganie du peuplier, Beaumonts, 2 août 2013, cliché André Lantz

-La Lobophore verdâtre Acasis viretata (Hübner, 1799) est une espèce nouvelle pour le parc. D’une belle couleur verte, des stries noires délimitent une aire médiane grise. Espèce bivoltine l’adulte se rencontre entre mai et juin puis août-septembre. La chenille consomme les fleurs et fruits du troène, de la viorne et de la bourdaine. Cette espèce se trouve, selon Philippe Mothiron, dans les milieux arbustifs chauds. Largement répandu, mais souvent localisé, elle est classée comme espèce vulnérable.

La Lobophore verdâtre Acasis viretata, Beaumonts, 12 août 2023, cliché André Lantz

-L’Eupithécie de la Linaire Eupithecia linariata (Denis & Schiffermüller, 1775). Cette petite espèce fait partie d’un complexe de trois espèces difficilement séparables. Signalons que le genre Eupithecia comprend de nombreuses espèces voisines qui sont parfois difficiles à déterminer surtout lorsque les adultes ne sont pas intacts. Le spécimen étant très frais, il a pu être distingué de l’Eupithécie de la digitale pourpre Eupithecia pulchellata (Stephens, 1831) et de L’Eupithécie de la digitale jaune Eupithecia pyreneata Mabille, 1871 . Cette espèce, comme son nom l’indique vit sur la Linaire. Espèce bivoltine, la seconde génération d’août à septembre est plus fournie. Cette espèce semble être davantage une espèce de friche urbaine et de remblais. E. pulchellata serait plutôt forestière. Elle est également classée comme espèce menacée par Philippe Mothiron. Sur le site Lépi’Net de Philippe Mothiron et Claire Hoddé, cette espèce n’est plus mentionnées de la petite couronne de Paris depuis 1980. C’est une première observation sur la station des Beaumonts.

L’Eupithécie de la Linaire, Eupithecia linariata, Beaumonts, 13 août 2023, cliché André Lantz

Autres géomètres observées:

-la Géomètre à barreaux Chiasmia clathrata (Linnaeus, 1758)

-l’Horisme jumeau Horisme radicaria (de La Harpe,1855)

B Noctuelles

-Le crochet, Laspeyria flexula (Denis & Schiffermüller, 1775) est nouvelle pour le parc. C’est une petite espèce qui de prime abord ne ressemble pas vraiment aux noctuelles « classiques ». Le corps est plutôt effilé, les ailes antérieures ne recouvrent pas entièrement les ailes postérieures et les motifs alaires des deux ailes se rejoignent quand l’adulte est posé. De plus avec ses ailes antérieures en forme de faux, ses lignes transversales et ses deux points noirs elle ressemble davantage à un imago de la famille des Drepanidae comme le Hameçon Watsonalla binaria (Hufnagel, 1767).

Espèce bivoltine, la chenille du Crochet consomme les lichens dont Xanthoria parietina assez commun aux Beaumonts.

Le Crochet, Laspeyria flexula, Beaumonts, 12 août 2023, cliché André Lantz
Le Hameçon, Watsonalla binaria, Montguichet (93) , août 2019, cliché André Lantz

Selon Philippe Mothiron, le Crochet est «répandu et assez commun un peu partout, mais particulièrement dans les secteurs chauds. Pratiquement absent des milieux « urbanisés ». Nous avons compté 4 spécimens lors de cette nuit.

Autres espèces observées :

-L’Ecaille cramoisie, l’Ecaille fuligineuse, Phragmatobia fuliginosa (Linnaeus, 1758): 1 individu

-la Troènière Craniophora ligustri (Denis & Schiffermüller, 1775) : 3 individus

-La Bryophile vert-mousse, Cryphia algae (Fabricius, 1775): 1 individu

-La Furuncule Mesoligia furuncula (Denis & Schiffermüller, 1775): 2 individus

-Le Hibou, Noctua pronuba (Linnaeus, 1758):1 individu

-Le Casque Noctua janthina Denis & Schiffermüller, 1775: 1 individu

-l’Hydrille domestique Proxenus hospes (Freyer, 1831) : plusieurs individus

-Le C-noir Xestia c-nigrum (Linnaeus, 1758) : 3 individus

C Notodontes

– La Processionnaire du chêne Thaumetopoea processionea (Linnaeus, 1758).

La processionnaire du chêne, Thaumetopoea processionea, Beaumonts, 12 août 2023, cliché André Lantz

Espèce maintenant commune, un mâle de cette processionnaire a été vue pour la première fois au Parc lors de cet inventaire. Il est vrai que les boisements sont surtout peuplés d’érables, de robiniers, de frênes et de jeunes ormes. Cette espèce est signalée depuis plusieurs années dans le bois de Vincennes ainsi qu’au parc floral appartenant à la ville de Paris. Les chênes sont très minoritaires sur la station des Beaumonts.

D Lasiocampidae

-Le Bombyx du chêne Lasiocampa quercus (Linnaeus, 1758). Une femelle est arrivée à la tombée de la nuit, s’est installée sur le trépied et y est restée jusqu’à notre départ. Les chenilles sont souvent observées sur la station. Puis un mâle…de l’espèce suivante est venu la rejoindre.

Bombyx du chêne (en haut) et Bombyx disparate (en bas), Beaumonts, 12 août 2023, cliché André Lantz

E Lymantriidae

-Le Disparate, le Bombyx disparate, Lymantria dispar (Linnaeus, 1758).

un mâle en début de nuit, Les chenilles ont aussi été observées à plusieurs reprises sur la station.

F Pyrales

-L’Ancylolome commun Ancylolomia tentaculella (Hübner, 1796) n’est pas nouvelle mais son abondance (entre 5 à 7 imagos) et surtout la grande taille de certains spécimens méritent d’être relatées. Cette Crambidae possède des antennes dentées. L’aile antérieure a un apex un peu falqué. Les lignes longitudinales des ailes antérieures sont soulignées de brun foncé. La chenille vit sur les grandes graminées. Vole en une seule génération de juillet à septembre. Patrice Leraut signalait une répartition assez commune dans la moitié méridionale et plus rare au nord de Paris. Le réchauffement climatique accélère sans doute sa progression vers le nord.

L’Ancylolome commun Ancylolomia tentaculella, Beaumonts, 12 août 2023, cliché André Lantz

-La Fausse-Teigne des Thérésiens Lamoria anella (Denis & Schiffermüller, 1775) est une représentante de la famille des Galleriinae. J’en avais déjà trouvé un imago en 2016 dans la rue des 4 ruelles posé à la base d’un mur. Lors de cette session, 2 adultes ont été attirés. La chenille se rencontre dans les nids de guêpes et de polistes mais aussi dans un réseau de soie à la surface de la terre sur Astéracées.

la Fausse-Teigne des Thérésiens, Lamoria anella, Beaumonts, 13 août 2023, cliché André Lantz

Autres pyrales observées :

-La Flamme, l’Asopie flamme Endotricha flammealis (Denis & Schiffermüller, 1775)

– L’Eudorée pâle Eudonia pallida (Curtis, 1827) : 1 seul imago

-La Pyrale campagnarde Pleuroptya ruralis (Scopoli, 1763): 1 adulte

-La Phycide du plantain Homoeosoma sinuella (Fabricius, 1794) : 4 individus

G Tordeuses

Sur 4 espèces observées lors de cette session, 2 sont nouvelles pour les Beaumonts.

-Le Carpocapse des glands Cydia amplana (Hübner, 1800) reconnaissable à ses antérieures brun orangé avec une macule dorsale crème bordé de brun foncé distalement. La chenille s ‘alimente à l’intérieur des glands , châtaignes, noisettes et noix. L’adulte vole en soirée de juillet à octobre.

Le Carpocapse des glands, Cydia amplana, Beaumonts, 12 août 2023, cliché: André Lantz

-Le Carpocapse des châtaignes Cydia splendana (Hübner, 1799) de taille plus petite que la précédente est grise avec des stries brunes dans les 2/3 basaux. L’aile antérieure se termine comme les autres espèces du même genre par un ocelle bordé de gris métallique. Comme la précédente sa chenille se trouve dans les glands, châtaignes et parfois les noix. Vole en soirée de juillet à octobre.

Le Carpocapse des châtaignes, Cydia splendana, 13 août 2023, cliché André Lantz

Les deux autres espèces observées ont été:

-Le Carpocapse des pommes Cydia pomonella (Linnaeus, 1758)

-L’Eucosmie de la laitue scariole Eucosma conterminana (Guénée, 1845)

H Hyponomeutes

Lors de cette nuit il y a eu encore quelques imagos d’Hyponomeutes. L’exemplaire collecté est Yponomeuta mahalebella Guenée, 1845. L’Hyponomeute du cerisier de Ste Lucie que l’on avait observé lors de la séance du juillet et qui se trouvait en grand nombre sur les cerisiers de Ste Lucie. Les femelles sont réputées pour posséder une grande longévité.

COLÉOPTÈRES

un petit staphylin et un petit carabe non identifiés se sont posés sur le drap en début de soirée.

Staphylin, Beaumonts, 12 août 2023, cliché André Lantz

La famille des Staphylinidae compte plus de 600 espèces en France ! Leurs élytres ne recouvrent généralement que les deux premiers segments abdominaux. Ils vivent dans les détritus, champignons, écorces… Quelques espèces sont floricoles, d’autres vivent dans les fourmilières.

Une Galéruque de l’Orme Xanthogaleruca luteola a été observée sur le drap. Cette espèce est bien présente de jour sur les ormeaux du parc.

HÉMIPTÈRES

Nous avons retrouvé les petites punaise du genre Callicorixa. Beaucoup moins nombreuses qu’en juillet : 2 ou 3 adultes seulement ont été comptés.

Par contre en début de matinée du 13 août nous avons eu la visite de la punaise rousse Pentatoma rufipes, également désignée par punaise à pattes rousses. Sa couleur rouge est bien marqué sur les pattes et surtout sur la pointe du scutellum. Les pointes noires sur le pronotum sont également caractéristiques. Elle perce les végétaux (arbustes) pour se nourrir de leur sève.

La punaise rousse, Pentatoma rufipes, Beaumonts, 13 août 2023, cliché André Lantz

Les séances nocturnes d’observations des Hétérocères menées depuis plusieurs années améliorent notre connaissance de la faune entomologique du site. Elles mettent en évidence l’intérêt du parc des Beaumonts puisque certaines espèces jugées comme vulnérables ou peu communes y trouvent refuge. La mosaïque des milieux, la présence de la mare ainsi que la pérennisation des milieux ouverts sont essentiels pour la sauvegarde de cette biodiversité.

De nombreux papillons ne voulaient pas quitter les lieux, quand nous avons plié bagage. iI a fallut pousser du doigt ceux qui s’accrochaient au trépied et secouer particulièrement vigoureusement les draps…

André Lantz , avec le concours de Pierre Rousset le 19 août 2023

Littérature consultée:

-Inventaire commenté des Lépidoptères de l’Île-de-France I. Noctuelles 1997, Philippe Mothiron: supplément hors-série au tome 19 d’Alexanor.

-Inventaire commenté des Lépidoptères de l’Île-de-France II. Géomètres 2001, Philippe Mothiron: supplément hors-série au tome 21 d’Alexanor.

-Inventaire commenté des Lépidoptères de l’Île-de-France III. Bombycoïdes 2010, Philippe Mothiron: supplément hors-série au tome 21 d’Alexanor.

-Papillons de nuit d’Europe, volume 2 Géomètres; Patrice Leraut,N.A.P. Éditions, 2009

-Papillons de nuit d’Europe, volume 6 Noctuelles 2 ; Patrice Leraut,N.A.P. Éditions, 2019

-Papillons de nuit d’Europe, volume 3 Pyrales 1 ; Patrice Leraut,N.A.P. Éditions, 2012

-Papillons de nuit d’Europe, volume 4 Pyrales 2 ; Patrice Leraut,N.A.P. Éditions, 2013

-Papillons de nuit d’Europe, volume 7 Microlépidoptères 1 ; Patrice Leraut,N.A.P. Éditions, 2023