Beaumonts nature en ville


••• La charte de l’association

L’espace naturel des Beaumonts, à Montreuil-sous-Bois (93)

LA CHARTE DE L’ASSOCIATION
« BEAUMONTS NATURE EN VILLE »

L’espace naturel des Beaumonts n’est ni un parc urbain, ni une aire de repos,
ni un jardin public, ni une zone naturelle protégée.
Il est tout cela, mais autrement.

 

Un « espace » rare et précieux

1. L’espace naturel des Beaumonts est le résultat d’un projet qui se trouve aujourd’hui à l’avant-garde des projets urbains les plus innovants : ceux qui cherchent non à régenter des cycles naturels – dont l’absence et l’ignorance en milieu urbain représentent une perte grave dans un monde qui s’en éloigne de plus en plus –, mais à inviter qui veut apprendre à l’écoute des leçons, silencieuses, que la nature donne à entendre.
Cet espace est fondé non sur la séparation des espèces, des âges, des mondes – minéral, végétal, animal, et humain –, mais sur l’apprentissage de la cohabitation, de la complicité et du respect. C’est cet apprentissage qui doit rester le défi fondamental des Beaumonts.

2. Ce projet pour les Beaumonts est né de l’observation d’une diversité biologique exceptionnelle en milieu urbain. Une diversité qui reflète celle de la ville qui l’environne, avec ses quartiers et leur population humaine où se mêlent les ethnies, les langues et les cultures, un foisonnement en image de celui des espèces végétales et animales vivant dans cet espace.

3. Ce projet est situé aux antipodes de la tentation contemporaine de la mise sous contrôle et de la visibilité absolues. La tentation panoptique – de qui voit tout, qui contrôle tout –, celle du zonage sécuritaire, de la séparation, de la mise à distance, appartiennent à une logique qui n’est pas celle des arbres et des oiseaux.

4. Le projet de l’espace naturel des Beaumonts s’est donné pour mission – et ce dès sa première formulation – de préserver non seulement des espèces, vivantes, mais aussi de permettre leur cohabitation : oiseaux migrateurs ou sédentaires, amphibiens, papillons, chauve-souris, quelques renards, des chats, des chiens et bien sûr… des humains – qui, de toutes ces espèces, constituent la plus dévastatrice. Il y réussit, jour après jour, matin et soir, silencieusement, à l’écart du tapage médiatique. Et ce depuis quinze ans. Là est la vraie richesse. Mais ce projet reste fragile ; et sa mission est une expérience sans cesse à reconduire.

C’est cette coexistence acceptée, protégée, transmise, vécue au quotidien, qui fait des Beaumonts un lieu expérimental – non seulement d’intérêt ornithologique, biologique, mais aussi social – unique.

 

Un lieu expérimental

1. Un milieu « naturel » n’est pas un milieu laissé à lui-même. La France est un jardin où quasi tous les paysages portent les traces de la main de l’homme. En ce début de siècle, nous émergeons lentement – à la mesure des prises de conscience, qui elles aussi émergent lentement – d’un volontarisme humain (politique ou économique – les dégats sont les mêmes) omnipotent qui a produit une histoire dont nous sommes les héritiers. Nous en voici responsables pour l’avenir.

Deux voies sembleraient déjà nous être tracées :
– la mise sous contrôle au nom de la protection d’un capital naturel en péril ;
– la mise en spectacle de ce capital naturel : « Venez voir mais n’entrez pas ! ».

La voie que trace l’aventure des Beaumonts est autre. Ce qu’elle « protège » est la possible reconstitution d’un tissu de relations naturelles, vivantes, obéissant à des lois implicites qui échappent aux législations. Ces lois faisaient partie d’un pacte très ancien conclu entre l’homme et la nature, qu’il a rompu, oh ! combien de fois – aujourd’hui d’une manière peut-être irréversible.
C’est ce pacte qu’il nous faut réapprendre, non en termes d’une nostalgie passeïste mais dans la conscience des nécessités du siècle qui désormais est le nôtre. C’est ce pacte qu’il faut apprendre et réapprendre aux enfants, aux adolescents, aux adultes – dont les Beaumonts tels qu’ils existent aujourd’hui, débordant du cadre des législations, sont la vivante démonstration.

Les Beaumonts, dans leur humilité, leur simplicité, leur évidence – à une toute petite échelle qui fait leur force – donnent l’exemple d’une autre voie : ici, en pleine ville, au milieu des barres des HLM et des pavillons, la réconciliation est possible entre des espèces et des modes de vie parallèles, différents, autres.

2. L’espace naturel des Beaumonts est le fruit d’une acceptation, d’une volonté, très conscientes d’y laisser subsister des parts d’ombres, des sous-bois non balisés et des découvertes possibles, qui se méritent. Cet espace n’est pas destiné à des « usagers » qui le soumettent à leurs désirs, ou qui cherchent à y parquer chiens et enfants – au nom d’un soi-disant confort. Ou d’une prétendue sécurité. Durant quinze années , si ce n’est le feu de la friche, il n’y a jamais eu d’« accident » sérieux aux Beaumonts. Aucun digne d’être noté entre les quadrupèdes – qui doivent rester ici comme ailleurs simplement sous le contrôle de leurs maîtres – et les bipèdes promeneurs.
L’espace des Beaumonts est un espace hors normes, où vivent aussi des êtres sauvages… C’est ce mystère qui en fait la force et la chance. Il est d’autres parcs, d’autres espaces à Montreuil – et c’est la richesse de cette ville – qui ont vocation à se mettre au service du confort d’usagers. Laissons aux Beaumonts le privilège d’offrir le plaisir secret, et infiniment précieux, d’un partage possible et complice avec le monde caché, le monde rampant, le monde volant et s’échappant, de surcroît celui de l’autre, celui d’un « semblable », et au-delà des différences de langues, de territoires, d’habitudes, sien, et pourquoi pas nôtre…

Les Beaumonts ont donc une double vocation :

  • 1. Un lieu de découverte non programmée et de complicité avec le monde vivant, pour la protection de sa richesse biologique.
  • 2. Un lieu d’apprentissage social non institutionnalisé, d’apaisement, de partage de savoirs, d’autonomie et de responsabilisation. Donc de respect…

 

Une double vocation

1. Les Beaumonts : lieu de découverte

Il s’est formé autour des Beaumonts une association, « Beaumont nature en ville », qui a su rassembler un groupe de naturalistes (botanistes, ornithologues, entomologistes,…) assurant un suivi scientifique ainsi que des liens avec des associations ou des projets similaires. Ces actions ont permis de renforcer le projet dans ce qu’il a de spécifique et d’exemplaire, tout en recensant les espèces de la flore et de la faune, pour en suivre les évolutions, en protéger les populations (cf. dossier Natura 2000).
Un espace naturel obéit à des règles qui ne sont pas juridiques – mais tout aussi et même plus impérieuses ; les ignorer peut conduire à la mort d’individus, voire d’une ou plusieurs espèces. C’est un espace fragile parce que c’est un espace de vie – et que la vie est fragile. C’est cette fragilité qu’il est essentiel de faire connaître, reconnaître, donc respecter.

Le monde vivant obéit aux lois naturelles des saisons. Il y a le temps des migrations, le temps des premiers chants, celui des nidifications ; il y a le temps des départs, celui du silence. Il est fondamental que les endroits abritant cette diversité soient protégés en tenant compte de ces périodes sensibles ; non sous le coup d’un interdit formel, mais au nom du sens que cela a de les préserver pour et à ces moments-là.
Car ce sont des moments privilégiés pour réaliser observations et découvertes. Lier le respect à la découverte et à la prise de conscience est un pari difficile à tenir. C’est celui de cet espace naturel, un pari fondamental. Le défendre est un risque en même temps qu’un privilège. Comme l’est tout processus de vie.

Les Beaumonts ont été déclarés mis « sous la responsabilté de ceux qui le fréquentent ».
Cette prise de responsabilité, depuis quinze ans, est une réalité – fragile elle aussi, mais combien réelle ! Il y a aux Beaumonts une solidarité, une prise en charge de cet espace que la majorité – silencieuse car aimant le silence – protège, car elle se l’est intérieurement appropriée et elle s’en sent – silencieusement et hors toute proclamation – responsable.

Si les Beaumonts ont « tenu » et tiennent, c’est aussi grâce à une attention discrète et à des échanges réguliers entre promeneurs habitués, parfois quotidiennement, du terrain qu’ils parcourent avant d’aller au travail, ou après – souvent avec leurs chiens avides eux aussi de cette goulée d’espace ouvert et non balisé. Eux seuls savent combien de poubelles ils ont emplies et emplissent sans le revendiquer ni en faire étalage, pour que les Beaumonts ne se dégradent pas.

2. Les Beaumonts : outil pédagogique

Il est fondamental de réapprendre à des enfants, à des adolescents qui vivent entre béton et cages d’escalier, que les saisons existent – et qu’elles échappent aux lois des programmes télé et des prix dans les supermarchés ; de faire admettre que le printemps et l’été sont des moments où l’on doit respecter la paix nécessaire à la reproduction des oiseaux, à l’apparition des papillons, au développement des crapauds et des grenouilles.

Autour des Beaumonts, dès l’école maternelle, en primaires, au collège, les classes réunissent des enfants parlant différentes langues maternelles, jusqu’à huit et plus… Aux Beaumonts, des oiseaux communs appartenant à plus de cinquante espèces différentes communiquent entre eux en bien plus de cris et chants différents.
Faire de cette multiplicité une richesse et non une malédiction, la nommer pour la protéger : c’est cet apprentissage concret dans un monde qui se crispe que les Beaumonts permettent. La Tour de Babel – ce que « traduire » veut dire – tel est le nom du projet pédagogique en cours.

Car aux Beaumonts se croisent les rêves les plus grands de l’homme (voler) et ses peurs les plus obscures (celles du monde rampant des insectes, des crapauds, des tritons ou autres témoins silencieux qui l’observent – ou le fuient).

Il est fondamental, donc, de réapprendre à des enfants, à des adolescents, à s’émerveiller de cette diversité silencieuse qui couve, chante, rampe et vole.

 

Hélène Châtelain,
Pierre Delbove,
pour l’association Beaumonts nature en ville
– octobre 2008 –

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